« Après une enfance apocalyptique, la danse est devenue un exutoire »

La première fois que j’envisage de danser, c’est à la rentrée 2005. J’ai alors 15 ans, je suis au collège à Nevers, en troisième. J’entends dire qu’il existe, au sein de l’établissement, une classe de danse. Elle est dirigée par une professeure de sport, Catherine Perrotin. Je vais voir l’enseignante et lui demande de me sélectionner au sein de son groupe. Je n’ai jamais fait de danse et, scolairement, je suis une calamité. Contre toute attente, elle m’accepte et me prend sous son aile.
A partir de ce jour, la danse est devenue un exutoire. Elle est un espace de liberté, on peut faire ce que l’on veut, on peut se transformer, devenir quelqu’un d’autre sans que personne ne vous impose un cadre. J’ai l’impression de me découvrir.
Je suis né en 1990, je suis le troisième enfant d’une fratrie de quatre garçons nés de quatre pères différents. Tous sont partis. Nous avons grandi dans l’un des quartiers les plus difficiles de Nevers, où l’insalubrité et la dangerosité étaient partout. La ville elle-même portait le surnom de « petite ville du crime ». C’est là que notre mère était censée nous élever. Ma mère est issue d’une famille explosée. Elle passe ses premières années avec ses grands-parents, puis elle est placée en foyer. Elle n’a jamais travaillé.
L’enfance que nous a donnée notre mère est apocalyptique, marquée par la maltraitance et le désespoir. Entre frères, c’était l’omerta et la solidarité. Sur le plan scolaire, nous étions tous en échec. Chaque jour, nous pensions mourir. Nous n’en avions rien à faire des cours. On pensait juste à survivre. Au collège, je deviens un grand con. En physique, je m’amuse à casser le matériel ; en anglais, je dors ; en sport, je me cache ; en maths, je balance des cartouches d’encre dans le dos du prof… Régulièrement, je me fais exclure de classe ou du collège.
Quand, en début de troisième, Mme Perrotin m’intègre dans son groupe malgré mon passif, elle va changer le cours de ma vie. Notre professeure de danse a un talent pour réaliser une mise en scène globale et mettre en valeur chacun de ses élèves. Nous élaborons une chorégraphie de hip-hop, et nous sommes en lice pour le championnat de l’Union nationale du sport scolaire départemental… que nous remportons. Idem pour les sélections régionales. Puis nous sommes les vainqueurs de la finale nationale. Nous, les bons à rien, les rejetés, nous sommes reconnus. On prouve à tous ce dont nous sommes capables et nous rentrons à Nevers avec un trophée dans les mains !
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